Collection Simon Bauer
La collection Simon Bauer comprenait 93 œuvres issues principalement de l'école impressionniste. Rassemblée à Paris par le collectionneur d'art français de confession juive Simon Bauer (1862-1947), elle fut volée en durant l'occupation allemande avec la complicité du régime de Vichy. Depuis la Libération de la France, quelques-unes des toiles réapparaissent à l'occasion de ventes aux enchères ou d'expositions dans des musées.
Histoire
[modifier | modifier le code]Né le à Romanswiller, Simon Bauer est le fils de Joseph Bauer (1822-?), négociant alsacien en tissus, et de Sara Roos (1826-?)[1],[2]. Après le conflit franco-prussien, les Bauer choisissent de rester français. Simon devient représentant de commerce à Paris. Le , il épouse Camille Franck (1867-1919) dont il a cinq enfants. Le couple vit au 12 boulevard de la Villette. En 1899, Simon Bauer fonde une entreprise de fabrication de chaussures. Il revend en partie son affaire en 1902 et devient rentier. Il entre en 1911 au conseil d'administration des Galeries Lafayette[3], position qu'il occupe jusque dans les années 1920.
Avant 1914, Simon Bauer voyage beaucoup et achète des tableaux modernes (liés aux courants du réalisme et de l'impressionnisme)[4]. Sa collection compte 93 tableaux selon l'inventaire établi par les autorités au moment de la spoliation, le [5]. Parmi ces tableaux, on dénombre 11 Pissarro (dont La Faneuse, Cour de ferme, Le rond-point de Pontoise, Pontoise au bord de l'eau, La Tricoteuse, La Couture, La Gardeuse d'oies, Femmes ramassant des pommes, Éragny, Trois Femmes au repos), 4 Sisley (Bords de l'eau à St Mammès, Route à flanc de coteaux, Le viaduc à St Mammès, Vaches au pâturage), 4 Boudin (dont Juan les Pins, Bateaux, La plage de Deauville), 1 Degas (Portrait de Rosita Maury) et 1 Berthe Morisot (La Femme à l'éventail)[5]. La vente est confiée à un marchand désigné par le Commissariat général aux questions juives[4].
L'année suivante, à l’été 1944, Simon Bauer est interné au camp de Drancy. Il est sauvé de la déportation par une grève des cheminots[4]. Dès son retour du camp libéré de Drancy, en , Simon Bauer tente de récupérer les toiles qui lui ont été volées, mais sans grand succès[4] : si quelques-unes sont demeurées au musée du Jeu de Paume[6], à Paris, dans l'attente d'être convoyées vers l'Allemagne nazie, la plupart ont disparu[5]. Après la mort du collectionneur, le , son petit-fils, Jean-Jacques Bauer, entreprend des recherches à son tour. En 1965, il parvient à localiser deux Pissarro mais ne peut en obtenir la restitution[5]. Il continue son enquête pendant cinquante ans, encouragé par quelques réussites et, à partir de 2013, par la découverte du « trésor de Munich » détenu par Cornelius Gurlitt. Ainsi a-t-il retrouvé la trace des deux tiers de la collection, mais lui-même et sa famille n'en recouvrent la propriété que dans de rares cas[5].
Au mois de , l'un des Pissarro (une gouache intitulée La Cueillette des pois, datée de 1887[7], 53,3 × 64,4 cm[8]) réapparaît lors d'une exposition au musée Marmottan, après un parcours souterrain d'un demi-siècle[9]. Jean-Jacques Bauer lance alors une procédure judiciaire[10] qui aboutit en à la restitution du tableau à la famille[11]. Le , la cour d'appel de Paris confirme ce jugement[12]. Enfin, le , la Cour de cassation valide cette restitution[13],[14].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Registre état civil Romanswiller - « Bauer, Simon » 1862 Romanswiller - Archives du Bas Rhin - 8 E 408/43, N 1862, vue 6/13 - Numérisation.
- « Simon Bauer », ressources Généanet.
- Bulletin des soies et des soieries de Lyon : revue hebdomadaire lyonnaise, Lyon, 7 janvier 1911, p. 5 — sur Gallica.
- « Une toile de Pissarro spoliée pendant la Seconde Guerre mondiale réapparaît dans un musée à Paris » sur 20minutes.fr, 6 mai 2017.
- « Quand le "trésor nazi" ravive l'espoir » sur francetvinfo.fr novembre 2013-mai 2014.
- Mention du nom de Simon Bauer dans les documents et notes réunis par Rose Valland, sur France Archives, site d'autorité.
- « Confisqué pendant la guerre, un Pissarro réapparaît au musée Marmottan à Paris » sur cnewsmatin.fr, 6 mai 2017.
- Dossier Pissarro, site du musée Marmottan, reproduction de La Cueillette des pois p. 26.
- « Paris : un Pissarro confisqué pendant la guerre réapparaît au musée Marmottan » sur francetvinfo.fr, 6 mai 2017.
- Sophie des Déserts, « Opération Pissarro », Vanity Fair no 52, novembre 2017, pages 84-89.
- « La justice se prononce sur un tableau de Pissarro confisqué pendant l'Occupation », Le Point, 7 novembre 2017.
- « La justice française confirme la restitution d'un Pissarro à une famille spoliée sous l'Occupation », 20minutes.fr, 2 octobre 2018.
- « La Cour de cassation valide la restitution à la famille », lemonde.fr, 1er juillet 2020.
- Michel Deléan, « Les œuvres spoliées pendant la guerre retourneront bien aux héritiers légitimes », sur Mediapart (consulté le )
Annexes
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Collection Armand Dorville
- Spoliation d'œuvres d'art par le régime nazi
- Spoliation des œuvres d'art pendant la Seconde Guerre mondiale
- Lois contre les Juifs et les étrangers pendant le régime de Vichy
- Adolphe Schloss
- Paul Rosenberg (galeriste)
- Hildebrand Gurlitt
- Max Stern Art Restitution Project (en)
Liens externes
[modifier | modifier le code]- « Jean-Jacques Bauer à la recherche de Pissarro », par Sophie des Déserts, Vanity Fair,